mercredi 2 octobre 2013

Portrait de Yuiko Tsuno



Lors d’un précédent article, nous évoquions la rencontre d’Uchronie avec la jeune et talentueuse conteuse-dessinatrice Yuiko Tsuno et la préparation de la soirée thématique « Chat bouilli, chaud bouillant à Shibuya » du 17 septembre.
La soirée a remporté un franc succès et Yuiko a accepté de se dévoiler un peu plus pour notre plus grand plaisir. J’ai eu la chance de l’interviewer et celle-ci s’est livrée de façon attachante dans un français quasi-parfait. Voici la retranscription de son interview.





Auto-portrait

« Mon nom est très rare au Japon et j’ai été surprise de découvrir par hasard l’héroïne de bande dessinée belge « Yoko Tsuno » il y a un an. A l’époque, j’avais la même coupe de cheveux qu’elle, plaisante-t-elle, donc j’étais une véritable « Yoko Tsuno ! » ».
Son homonyme, créée par Roger Leloup dans les années 1970 en plus d’être jolie, intelligente et combative, est électronicienne ce qui l’entraîne dans des aventures à mi-chemin entre fantastique et science-fiction et c’est en cela que l’univers de Yuiko se rapproche de celui de Yoko.
« J’adore les choses traditionnelles japonaises comme le Kayou-Roukyoku (style de chant populaire datant de l’ère Showa, empreinte de nostalgie pour le pays natal et les chagrins d’amour). Il mêle théâtre, chansons retraçant des faits héroïques de l’époque Edo notamment. Je m’appuie beaucoup sur cet art pour mes créations qui reposent sur la peinture, le théâtre et le cirque imaginaire. Je me suis rendue compte après avoir étudié la peinture à l’huile à l’université que je voulais aller au-delà de la peinture et le kamishibai a répondu à mes aspirations d’expression et de mise en scène. »



Sa mission : écrire et présenter ses contes grâce au kamishibai



« Avant, il n’y avait pas de télévision, les enfants n’avaient pas de distraction. Le conteur allait de parc en parc pour montrer le kamishibai aux enfants. Il suffisait d’acheter un bonbon pour voir le spectacle. Or, cet art a quasiment disparu aujourd’hui », dit-elle avec regret.
Yuiko s’est donnée pour mission de redonner ses lettres de noblesse au théâtre pour enfants, le « kamishibai » qui a bercé un peu son enfance à la maternelle mais surtout celle de sa mère.
Il ne s’agit pas du théâtre de marionnettes comme nous l’entendons en Occident mais d’un théâtre animé grâce à des dessins qui se succèdent dans un cadre en bois par un système de glissière. C’est le conteur qui au fil de son récit fait glisser les dessins dans sa « boîte à images» jusqu’au dernier qui marque la fin de la représentation.
Question budget, pratiquer cet art reste abordable en termes de location d’espace. C’est donc grâce au « kamishibai » que Yuiko donne vie aux personnages qu’elle crée et dont elle conte les aventures.
« J’adore raconter des histoires. Au Japon, les légendes mêlent avec brio mythologie et monde contemporain. J’aime imaginer qu’ici et ailleurs, il existe une porte qui s’ouvre sur une vie imaginaire, irréelle, empreinte de mythologie avec des personnages pleins de fantaisie, une sorte de passage d’un monde à l’autre. »



Sources d’inspiration et conte « Chat bouilli, chaud bouillant à Shibuya »


« Je m’inspire beaucoup des histoires relatées par le Kabuki » (forme de théâtre traditionnel japonais très prisé des citadins qui a vu le jour à l’époque Edo, au début du dix-septième siècle. Les pièces évoquent des événements historiques et le conflit moral lié aux relations affectives. Les acteurs déclament sur un ton monotone et sont accompagnés d’instruments traditionnels japonais.)

« Le point de départ du Kabuki choisie par Yuiko (il y en a plusieurs sortes) s'appuie sur un meurtre qui a réellement eu lieu, celui d’un fonctionnaire haut placé et d’une geisha par exemple. Une histoire est ensuite construite autour de ce fait. »
Le conte «Chat bouilli, chaud bouillant à Shibuya » qui a été réalisé en exclusivité pour la soirée du 17 septembre en partenariat avec la styliste Fifi et Uchronie avait pour trame l’histoire d’amour impossible entre Fifi, la souris et une jeune fille avec le chien Hachiko, symbole de fidélité indéfectible et héros tokyoïte comme fil conducteur de l’histoire.



Sa performance avec Uchronie

C’est par l’intermédiaire d’un poète de rue, rencontré à Avignon par Yuiko en 2011 que la jeune conteuse-dessinatrice et Uchronie ont été mis en contact.
Très vite, Uchronie a souhaité organiser une collaboration artistique et l’exposition de dessins de Yuiko à Tokyo sur le thème d’une jeune femme tombant amoureuse d’un ange a particulièrement interessé Uchronie. Son répertoire comporte, en effet, une chanson intitulée « Ange ». Il s’agit de la toute première chanson co-écrite par Gaël et Gilles aux balbutiements du groupe. C’était donc un bon présage !
Et pour cause, la collaboration avec Uchronie, nom qui a beaucoup inspiré Yuiko avant de les connaître, a été très positive. Uchronie a assuré les intermèdes musicaux des différentes parties du conte «Chat bouilli, chaud bouillant à Shibuya » pour la prestation du 17 septembre dernier et écrit spécialement quelques chansons et musiques pour l’événement.

« Avant de travailler avec eux, j’avais vu une vidéo et les avais trouvés très créatifs. Travailler avec Uchronie a été une vraie expérience, très différente du style japonais. Ils improvisent à tout bout de champs et donnent un réel sentiment de liberté. Leur esprit est très ouvert et très intéressant. Maintenant, je peux dire que grâce à eux, je ne me suis plus contenté de regarder les improvisations, j’ai été dans l’improvisation et cette collaboration m’a beaucoup plu et touchée. J’aimerais continuer à performer avec eux que ce soit en France ou en Japon. »



Un lien particulier avec la France

Yuiko n’est pas une Japonaise ordinaire : elle est arrivée en France à l’âge de trois mois et a passé ses trois premières années dans notre pays.
« Au Japon, une croyance dit que l’âme des 3 ans reste jusqu’à 100 ans, autrement dit tous les événements vécus jusqu’à l’âge de 3 ans influenceront la vie jusqu’à l’âge des centenaires», dit Yuiko avec un sourire malicieux.

De son tout premier séjour, Yuiko se souvient des chansons « Sur le pont d’Avignon » et « Frère Jacques ».
Elle voue une véritable admiration à « l’esprit révolutionnaire français », incarné notamment par "les Misérables" de Victor Hugo.
Son écrivain de prédilection se nomme Tristan Tzara. Il est l’un des fondateurs du dadaïsme et lui a permis d’étudier et de progresser en langue française. Elle aime beaucoup « Le Petit Prince » de Saint-Exupéry et les poèmes de Rimbaud.

Elle adore également les comédies musicales, notamment 1789 et Les Misérables dont elle connaît par cœur toutes les chansons.
Yuiko a des projets plein la tête notamment celui de revenir en France l’année prochaine. Elle ne manquera pas de venir saluer Tristan Tzara au Cimetière du Montparnasse et le vendeur-pantomine du Musée de la Magie avec lequel elle a beaucoup discuté des illusions.

Bonne continuation Mlle Yuiko et au plaisir de vous revoir bientôt lors d’une prochaine ballade uchroniaque !





















Laurence Ségear - 0ctobre 2013